Google
 
Google
Google
Google
 
Web www.chez-paul.blogspot.com

Quelques épisodes du premier bouquin

Voir la rubrique "Prévious Posts" pour choisir vos textes !

Tuesday, September 12, 2006

Jacques

Jacques


Jacques est à bout de souffle, il anhèle complètement. Il s'est tapé 4 ans à la Fac, non sans se taper une dizaine d'étudiantes, et puis il a laissé tomber, d'un seul coup, séduit par les promesses ambitieuses d'une grande école de gestion à 1000 Euros le trimestre. Ses parents qui à l'époque avaient d'autres préoccupations, ne se sont pas immiscés dans ses projets de volte-face et ont signé presque avec alacrité 4 chèques en blanc pour apporter le soutien financier nécessaire à l'ultime année d'étude de leur fière progéniture.

Jacques avait été séduit par l'atmosphère conviviale de sa nouvelle école, et s'était fait gonfler la tête par quelques intervenants peu scrupuleux, sous l'égide de l'emblème prestigieuse de son illustre projet : une sinécure lucrative et qui réclame en fait peu de cognition : V.R.P.

Il suivait avec délectation chacune des matières qui lui étaient proposées, non sans s'être tapé sa prof de vente, et les mois s'écoulaient avec mollesse et insouciance toujours dans cette ambiance de grande sérénité et de promesses d'une future surabondance financière et d’opulence systématique.

Il était conclu que cette année d'étude se terminerait par un stage en entreprise afin que cette joyeuse bande d'apprentis vendeurs mette à profit son insatiable faim d'exploser dans ce milieu impitoyable, et surtout afin de mettre vraiment en pratique quelques techniques abstraites dont les VRP ont le secret, et qui, aux dires des tuteurs, ne donnent d'autres alternatives à leurs clients que celle de répondre : « Oui, j'achète. » Les techniques de vente, une méthode douce pour lobotomiser les clients.

Jacques avait surligné dans un journal de petites annonces une offre d'emploi alléchante d'une société américaine, récemment implantée sur le territoire. Le but était de démarcher des particuliers pour leur vendre un aspirateur multifonctions, révolutionnaire, à 1200 Euros l'unité... Jacques savait bien que la meilleure école pour former un vendeur ; c'est le démarchage à domicile, car rien n'est vendu d'avance avec un particulier. Votre aspirateur, il s'en fout, il n'en veut pas, il en a déjà un. La meilleure façon de voir si vraiment il est fait pour la vente, s'il a les capacités nécessaires, le sang froid, le bagout, la tchatche et le charme suffisant, s'il veut savoir s'il est vraiment capable d'accrocher le client sans lui arracher une manche, sans l'ennuyer, sans lui mentir, c'est d'essayer. Alors, il essaya. Tout d'abord avec un vendeur confirmé, il se contentait d'observer. A vrai dire, il n'observait pas, il admirait bouche bée la technique infaillible qui faisait mouche presque à chaque fois, il voyait se tisser autour du client une énorme toile d'araignée qui le piégeait complètement, qui l'enserrait, ne laissant plus dépasser que la main du pigeon, qui, munie d'un stylo, signait docilement le bon de commande à la fin de l'entretien.

Admiratif et confiant, Jacques se lança dans l'aventure fort de son enthousiasme, de ses connaissances et de ses ambitions. A la fin de ses deux mois de stage, Jacques était le meilleur vendeur de l'agence avec une vente. En fait, il avait réussi à convaincre assez facilement ses parents de lui acheter un de ses aspirateurs. Sa mère, apitoyée, avait accepté.

Jacques se retrouvait maintenant au chômage, il avait décidé de quitter l'entreprise qui, bien qu'étant à la recherche de nouveaux vendeurs, n'avait pas insisté pour qu'il reste. Mais il ne désespérait pas encore, persuadé que cette expérience, comme tout échec, avait son côté constructif et instructif. Il se lança dans la noble quête qui consiste à rechercher un emploi, et la tâche s'avérait aisée puisque 90 % des offres proposées concernaient des V.R.P. Les 10 % restant ne concernant que des plombiers-zingueurs, des gardes d'enfants et des ouvreurs de portes ouvertes, il ne s'y attarda pas.

Après avoir testé quelques créneaux tels que vendeur d'encyclopédies, de fruits et légumes et manœuvre sur des chantiers, il se rendit vite à l'évidence, et ne se rendit plus à l'A.N.P.E... Seule alternative, et pour le moins incontournable : le service militaire. Incorporé au 316ème régiment de feignasses, il passa ses dix mois à astiquer des famas et à dormir. Presque dix mois de vacances pendant lesquelles, presque tous les soirs, il observait à la sortie quelques poupées Barbie(turique), un rien nymphomanes et sûrement syphilitiques, venues là pour jouer aux petits soldats. Certains inconscients se laissaient séduire et finissaient leur service militaire avec des sections désordonnées de champignons disgracieux et peu comestibles sur le bas ventre.

Après avoir offert dix mois de sa vie à l'Etat, il était tout disposé à offrir plusieurs années de sa vie à l'A.N.P.E., passage obligatoire pour 95 % des ex-militaires fraîchement rendus à la vie civile. Donc, retour à la case départ, sans toucher 20 000, avec en prime 10 mois de prison.

Jacques était, dans son cas, moins malheureux que d'autres, car toujours protégé par la cellule familiale qui lui apportait un soutien aussi bien moral que financier. Mais dans sa tête, c'était la chute libre. La chute de ses ambitions, de ses illusions, de ses espoirs, le sentiment que la vie est atroce. Il était seul en fait, il n'y avait plus d'amis pour l'épauler comme c'était le cas lorsqu'il faisait partie d'une collectivité. Son célibat pesait des tonnes face aux bonheurs apparents de jeunes couples unis. Et des Jacques, en France, il y en a des milliers. Des milliers de jeunes qui prennent soudain conscience que la vie qu'ils s'étaient imaginée n'existe bien en fait que dans leur imagination. Quand toutes les illusions naïves s'en sont allées, que reste t-il de ce goût du challenge irréalisable qui consiste à trouver un emploi stable et rémunérateur ? La solution réside t-elle dans le nombre des années passées à étudier ? Les punks étaient-ils à ce point visionnaires lorsque pendant les années soixante-dix ils criaient : «No future ?» Ca sera quoi le futur pour ces fameux jeunes qui ont eu vingt ans en l'an 2001 ? Et Jacques à votre avis, à cette heure-ci, qu'est-ce qu'il fait, il est où ?

- Réponse 1 : Il a 32 ans et il vit toujours chez ses parents,
- Réponse 2 : C'est un clochard, et on l'a vu il y a cinq minutes qui fouillait dans les poubelles,
- Réponse 3 : Il est C.R.S.,
- Réponse 4 : Il est gendarme mobile,
- Réponse 5 : Il est en prison,
- Réponse 6 : Il s'est tiré une balle,- Réponse 7 : Il est en train d'écrire un livre...

0 Comments:

Post a Comment

<< Home

Google
Google