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Quelques épisodes du premier bouquin

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Tuesday, September 12, 2006

Réveil !!

Réveil


Chaque matin, lorsqu'une sonnerie monstrueusement stridente m'extirpe de l'ubiquité parallèle du royaume des songes, je sais en quelques secondes que je vais devoir, une nouvelle fois affronter l'acerbité incontournable d'un nouveau jour. Je m'extrais silencieusement de ma couche pour ne pas réveiller l'enfant qui dort à côté car je ne suis pas rancunier et je me retrouve bientôt face à un cruel instrument qui darde silencieusement deux lames outrageusement chromées et prêtes, malgré leur immobilité apparemment inoffensive à étêter tout sur leur passage. Mon visage pâlot et recouvert d'une couche grossière de mousse qui sent bon la menthe fraîche s'apprête à recevoir le dangereux objet qui viendra le parcourir, surmontant les gibbosités, contournant les obstacles. Je sais que je vais devoir user de détours pour mener à bien cette tâche à hauts risques. Une hésitation, un spasme, un geste précipité et c'est le drame assuré. Je n'ose pas penser à l'entaille sanguinolente que générerait un éventuel faux pas. Je procède donc avec un calme quasi aboulique, mais le reflet de mon image m'informe de ma progression. La contiguïté de ma peau et de cette double lame m'effraie un peu mais je m'auto persuade que la perspective de mon succès tient en la maîtrise totale de chacun de mes gestes. Je sortirai finalement vainqueur de ce combat impitoyable, sans plaies physiques, mais j'ai souffert tout de même.

Une fois ce cap fatidique franchi, je me sens libéré et je procède avec sérénité à l'entretien de mon hygiène corporelle et buccale. Tout danger est écarté pour le moment. J'en arrive finalement à la partie la plus technique de ce parcours matinal : la coiffure. Je sais que cette tâche va, comme tous les matins, prendre un temps fou mais je ne laisse pas ce paramètre entacher mon optimisme. Je me remémore succinctement les différentes étapes de la procédure habituelle et, sans transition, je la mets en pratique. La première étape se traduit matériellement par l'inondation contrôlée du périmètre crânien pourvu de cheveux. Autrement dit, je me passe la tête sous le robinet. Le contact du jet liquide et tiède sur mon cuir chevelu me sort de cette torpeur caractéristique et transitoire propre à tout individu qui vient de se réveiller. Cette agression humide se traduit par un frisson incontrôlable qui prend sa source dans ma nuque, parcourt chaque vertèbre et vient s'écraser violemment dans le bas de mes reins. Je ferme le robinet et, la tête penchée au-dessus du lavabo j'essaie d'attraper à tâtons un linge sec. Je recouvre ma chevelure ruisselante d'une serviette de bain humide et je la frictionne énergiquement afin que les fibres du tissu s'emparent bien de toutes les parcelles résiduelles d'humidité. Je vois dans le miroir le reflet d'un homme qu'on croirait sauvé d'une noyade certaine, le visage inexpressif, les yeux rougis et cernés. Je me fais un peu peur.

La seconde étape va consister en le séchage des cheveux, ceci afin de leur donner une esquisse de structure et de volume. C'est là que tout va se jouer. Il faut, pour ce faire, maîtriser parfaitement l'engin, ne pas se laisser intimider par son râle striduleux et par son souffle chaud et agressif. Il faut en outre avoir la cognition des conséquences que peuvent avoir chaque geste et leur répercussion sur le résultat final. La tâche n'est pas aisée, il faut s'en convaincre. La coiffure est une science inexacte dans laquelle il n'existe pas de perfection. Je procède toujours avec sérénité, puis je parachève mon oeuvre dans un geste sublimatoire. Je devrai une fois de plus me contenter de ce résultat approximatif qui trônera silencieusement sur mon chef pendant toute la journée, subissant néanmoins quelques agressions corrosives et déstructurantes. Pour plus de résistance, je fige la structure obtenue d'un jet baveux de laque extra forte. Le résultat n'est bien sûr pas vraiment la réplique fidèle de celui que j'avais secrètement escompté mais tant pis, le temps passé entrave ma volonté farouche de renouveler la procédure pour obtenir un meilleur résultat.

Je m'installe confortablement à table en face d'un bol de lait tout droit sorti du meilleur ami de l'homme pressé qu'est le four micro-ondes, et je me restaure bruyamment d'aliments glucosés destinés à soutenir les efforts coercitifs et titanesques que je devrai fournir tout au long de la journée. Je termine cette orgie purement gastronomique en m'abreuvant du précieux laitage que je sens couler en moi comme une substance régénératrice qui se propage avec nonchalance dans chaque parcelle de mon organisme. Je constate au sortir de la table quelques effluves nauséabonds qui sont les prémices incontournables d'un passage forcé dans le sanctuaire éburnéen que sont les toilettes. Lorsque enfin je dépose délicatement mon séant soyeux sur le trône accueillant, je savoure pleinement cette sensation de monarque solitaire qui oublie l'espace d'un instant les responsabilités qui lui incombent. J'ai un peu de mal à quitter ce havre de paix mais encore une fois, je ne peux lutter contre l'incontournable obligation de ne pas trop m'attarder. Je suis enfin prêt à affronter l'hostile réalité de ce nouveau jour, prêt à relever une nouvelle fois le défit de la vie, prêt à déjouer de nouveaux pièges, à surmonter les écueils. Je sors de mon appartement et je me retrouve propulsé dans le monde.

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